samedi 30 décembre 2006






Cher toi-que-je-ne-connais-pas-encore,

Un jour, ou une nuit, nous nous rencontrerons. Ce sera grand. Sur le coup, nous ne saurons pas ce que nos deux consciences auront tramé. Mais peu après, nous subirons le poids de nos deux âmes ne pouvant plus feigner l'indifférence.

Nous nous fréquenterons sur une base de plus en plus régulière. Nous nous lasserons peut-être l'un de l'autre, mais j'en doute. Et puis cet emmerdement sera si passager que nous l'oublierons jusqu'à en nier son existence. Ensemble, nous nous promènerons. Nous danserons. Nous irons dans les bois faire des choses que d'autres n'osent pas. Tu m'embrasseras en posant délicatement ta main sur mon visage. Moi je te caresserai les cheveux. Ou les fesses. Sûrement les fesses. Pour m'endormir, j'appuierai ma tête contre ton torse et me laisserai bercer par ta respiration. Toi tu me serreras dans tes bras, et tes doigts courront sur ma peau.

Nous n'emménagerons pas ensemble. Nos espaces respectifs ne s'envahiront pas. Ou si peu. Chez moi, nous marcherons nu-pieds. Nous ne boirons pas de café. Ni de thé. Juste de l'eau et trop d'alcool. Je te lirai des trucs, étendue sur le sofa, ma tête contre tes cuisses. Tu m'apprendras qu'il y a des années et des années, un certain homme a accompli ceci et que ça a entraîné cela. Tu m'aideras à faire la vaisselle. Et il y aura toujours de la musique derrière nos échanges. Chez toi, je ferai ton portrait, tu t'en moqueras. Je refuserai de te faire à manger. Ou de faire ton lavage. Quand on se reverra, que tu m'accueilleras, à chaque fois, nous célébrerons, parce que c'était trop long, ces jours sans l'autre. Même si dans le fond, toi et moi saurons que nous sommes faibles et incroyablement gagas.

Nous n'aurons pas d'enfant. J'ignore si cela nous conviendra, ou si cela deviendra l'amertume de nos deux vies. Mais nous pourrons alors nous occuper de notre chien danois, de nos quatre ou cinq chats et de notre oiseau minuscule et rabougri, dont nous nous partagerons la garde. Et nous voyagerons. Nous nous perdrons en Grèce, ferons l'amour dans des centaines de cités différentes.

Une ou deux fois, nous nous laisserons. Pensant que l'autre n'est pas, ou que ce devrait... Chacun de notre côté espèrera que l'autre se rende compte de la bêtise. Je me dis que je ferai les premiers pas, parce que je ne voudrai jamais laisser filer la chance d'être avec toi. Ou peut-être parce que j'aurai plus besoin de toi que toi de moi. Ou tout simplement parce que j'aurai moins d'orgueil que toi. Mais non, ce sera toi qui reviendra vers moi. Nos retrouvailles seront sublimes. Je te remercierai d'avoir osé me harceler, d'avoir su être quétaine afin de titiller mon côté petite fleur. Et nous saurons que nous ne sommes pas ensemble pour être avec quelqu'un, mais bien parce que toi et moi, c'est... toi et moi.

Nous vieillirons. Tous les deux, à peu près au même rythme. J'aimerais dire que nous mourrons dans les bras l'un de l'autre, ou que le premier à crever plongera le second dans une peine si immense qu'il ne s'en sortira pas, mais je ne pense pas que ce sera le cas. Après tout, il n'y a rien de romantique dans la mort.

Et voilà, ce sera ça. Nous deux. Bientôt, ou pas.

J'ai hâte de te voir.







dimanche 24 décembre 2006






Attention, je me sens très Grinch en cette veille de Noël. Alors n'espérez pas une retranscription de vos cantiques préférés.


J'aime ma famille, me suis toujours considérée comme étant très chanceuse d'en avoir une et ai longtemps cru qu'être seul en ce temps de l'année, sans proche ni personne, devait être un des pires châtiments qui soit. Mais je vous avoue qu'en ce moment, je souhaiterais m'isoler dans un trou et ne me réveiller qu'en janvier, quelques jours après le premier de l'an. Parce que j'ai un père qui se plaint et s'emporte lorsqu'il y a des fautes d'orthographe dans les bulletins de nouvelles à la télé, ou quand son chien demande trop souvent pour sortir dehors, ou pour toute autre banalité, alors qu'il pourrait très bien «prendre un grand respire» et se dire qu'il y a des choses pires que ça dans la vie. Aussi parce que j'ai une soeur qui fait un peu trop la victime pour ce qu'elle est mitraillée de taquineries de la part des autres. Et parce que mon frère n'est pas au sommet de sa forme tandis qu'il attend pour sa copine malade qui tente de nous rejoindre avec le peu de forces qu'il lui reste. Et il y a ma mère qui... Non, ma mère n'a rien. J'adore cette femme. Son pire défaut est de ne pas se défendre assez. Ou d'en faire trop pour les autres. Allez voir si c'est négatif, ça...


Je disais donc que je m'éloignerais. Probablement parce que je comprends de plus en plus avec l'âge et avec l'expérience (!) que Noël n'est pas un jour plus spécial qu'un autre, quand on y pense bien, et que ça me tente de moins en moins de m'efforcer de m'éclater et de faire en sorte qu'il équivale à des heures de bon temps pour tous, juste pour une date de religion, de tradition ou de consommation. Et aussi parce que je ne veux pas faire subir à personne d'autre une de ces crises existentielles/menstruelles de mon cru que j'ai fait endurer à mon amoureux de l'an dernier. Je planifierai donc un exil pour l'an prochain. J'irai me terrer au loin, prendrai le temps de souffler. Risquer et me rendre en Égypte pour vrai.


Je pense à Gustave, à qui c'est son deuxième anniversaire aujourd'hui, et je suis triste pour lui. Il est encore coincé dans une garde-robe noire. Mais peut-être bien qu'il s'en réjouit.


J'ai le coeur en roche de m'apercevoir que je chiale autant que mon père, et que je n'ai pas de bonne raison pour le faire. Qu'est-ce que je désire, dans le fond? Bah, trop et si peu, tout à la fois... Je sens que nous allons tous pleurer en développant nos cadeaux, tantôt. Il y a une fausse note qui résonne dans ma tête.


Je ne suis pas très fière de ces bleus et de ces mauves qui m'assaillent. Mais qu'est-ce que je retirerais en essayant de les repousser à tout prix? Moi et ma mélancolie... Et c'est sûr que mes songes me ramènent lui et l'autre, et ces quelques-uns. J'aimerais bien un quelqu'un, oui, pour ces jours-ci. Pour me prouver que je n'ai pas qu'une humeur massacrante. Et que je ne pèse pas toujours lourd sur ceux qui m'aiment. Si je pouvais mieux me saisir, des fois... J'ignore ce qui en découlerait. Mais peut-être que. Peut-être.


Je ne vous souhaiterai pas un joyeux Noël ni une bonne année. C'est beaucoup trop commun! Et ces paroles trop souvent répétées se mettent à perdre leur valeur et leur sincérité, selon moi. Mais croyez-moi lorsque je vous dis que je pense à vous. Tous.


Oh, et puis MORT à l'Ensemble Gospel de Québec qui, à mon avis, en arrache (il fallait bien des mots grinçants pour terminer ce billet qui est tout sauf vert, rouge et scintillant).


samedi 16 décembre 2006







Peu importe ce que tous disaient à son sujet, et qu'on la traitait de faible. Pour elle, c'était la fin du monde.

C'était la fin d'un monde. Le bris d'une ère.

Elle savait qu'elle ne marcherait plus comme auparavant. Qu'elle ne danserait plus avec autant d'insouciance. Qu'elle rirait peut-être à nouveau, un jour, mais sans l'éclat qu'on lui connaissait. Et que son sourire servirait d'agréable souvenir pour tous ceux qui l'avaient aimée.

Elle avait planifié une échappatoire. Pour n'avoir à expliquer à personne tout ce qu'elle voyait s'écrouler autour d'elle. Pour fuire, pour s'éloigner de ses propres paniques. Peu de gens semblaient comprendre ces visions qui la torturaient, ni saisir ce qui en découlait réellement. Alors elle avait perdu le goût de se justifier.

Elle se surprenait parfois à souhaiter que ses moments de crise se transforment en véritables psychoses. Question qu'on ne la harcèle plus, et qu'on l'enferme au plus vite. Pour qu'elle puisse se vautrer dans une sacrée institution. Entre des murs où les comportements chimiques dominent. Et où les aiguilles assurent une accalmie envoûtante.

Elle voulait être reconnue folle. Prouver que des chimères lui grugeaient les os. Et qu'elle ne s'en sortirait pas. Pas toute seule. Pas sans...

Et elle criait, la nuit. Pleurait, le jour. Ne dormait plus. Mangeait trop, quand il lui prenait l'idée d'éclater. Ou pas assez, lorsqu'elle désirait se dissoudre dans l'air.

Elle aurait voulu que rien ne finisse, pour commencer. Aurait préféré que tout demeure pareil.

Aurait tant aimé que son monde ne s'affaisse pas. Juste ça.






mercredi 13 décembre 2006






J'étais en train d'oublier son sourire...

Il y a deux koalas qui dorment dans mon salon. La forme des clémentines ne dérange personne. On ne peut blâmer une chose d'être ridée...

L'attente est une de ces heures qui exaspèrent et qui excitent tout à la fois. Devenons grossiers, si nous ne pouvons être amants. Fêter, c'est espérer s'éclater. Prétendre se saouler. Et des fois y parvenir, mais ne plus s'en rappeler...

Une amie change de veste, passe au fumoir. Trois musclés se rencontrent dans un parc, font semblant qu'ils n'ont pas besoin de ces moments entre eux. Il est déjà tard, et j'ai déjà tant dormi. Je me plains de mon sommeil, lorsque je ne peux le faire au sujet de l'autre. Un lit qui incarne trop de dichotomies: rempli/vide, grand/petit, chaud/froid, douillet/aride. Mais ce n'est pas tout ça, dormir...

Il n'y a pas de raison. L'écorce s'effrite. Oh, mais qui est-ce qui a chiffonné l'avenir? Je vendrais quelques souvenirs, pour m'en faire des moins douloureux. Il y a des yeux qui portent bonheur. De la compagnie qui rend joyeux. Un coup de tête qui fait que plus rien n'est correct. Incroyable que l'eau puisse se faire vague. Impensable qu'il ne soit plus là, tout près... 







dimanche 10 décembre 2006





Déconcertante, à la fin, cette insatiabilité qu'ont toutes les situations. Parce qu'il faut toujours tout recommencer... J'admets ne pas avoir réussi à saisir à chaque occasion ce découragement qui me gruge devant de déstabilisants changements, à le dépecer, à le brasser et à le mélanger avec la dose suffisante de courage et de volonté, pour qu'enfin il se métamorphose en une portion de motivation bien apprêtée.

Par exemple, en ce moment, j'ignore quelle sera ma prochaine action. Je ne sais pas ce qui devrait être fait. J'ai envie de tout ce qui pourrait être dit. Et je crains ce qui ne voudrait pas être écrit.

Il existe des euphories que j'envie. Des indifférences et des insouciances dont j'aimerais me gaver, pour ne plus tant m'en faire. Je me dis que j'aimerais bien à nouveau me fondre dans une autre peau, pour ne plus creuser la mienne. Trouver autre chose pour m'occuper plutôt que miroiter du satin. Je projette de piétiner le temps bientôt, pour lui apprendre à se convertir à mon rythme, afin de ne plus avoir à me plier au sien.

Oh mais je sens que tout ça ne mènera nulle part. Et même pas ailleurs assez longtemps pour me satisfaire. Parce qu'ici rebondira bien assez tôt. Cependant, peut-être que cet ici est convenable. Peut-être que cet ici est génial, lorsqu'on y revient après avoir visité un ailleurs lointain.

J'abrège à cette ligne-ci, ou à la prochaine, puisque je ne me contente d'aucun autre mot. J'avoue qu'il y a des gens plus doués que moi pour soumettre une fin à tout.






samedi 9 décembre 2006






I dream of things that last
While in some oversized pool
Floating brains crash old memories,
Urging to drown the past

I wish to buy shades of green,
Make attempts at trying
And then after failing, remember to
Show you something you've never seen

I think of my future retreat
At the same time, you blow balloons
Towards my face, laughing and screaming,
Denying it will ever become concrete

I say if all "yes"es lead to a trap,
Why wake up at all?
I'll pick up hippos and zebras
And learn not to fall, plan my next escape






mercredi 6 décembre 2006






Je me reporte à une époque pas si lointaine, à des jours qui font encore partie du calendrier actuel. À peine une ou deux pages ont été tournées.

C'était du temps où un jeune homme me plaisait. Où il m'intrigait avec son teint foncé, avec son sourire adorable, avec ses yeux marron (j'ignore en fait quelle teinte exacte de brun doit être désignée par le terme «marron», mais j'ai décidé que celle de ses yeux est digne de ce nom) qui couraient un peu partout lorsqu'il s'adressait à autrui, et avec son esprit un peu distrait qui le poussait à parler de choses et d'autres qui n'avaient aucun lien entre elles et à questionner quiconque étant capable de satisfaire sa curiosité sur un détail quelconque, mais peu anodin, si on y pensait bien.

Il s'agit de l'instant où, sous l'influence de substances éthyliques, il a choisi de m'embrasser. Il ne l'aurait pas fait sans le coup de pouce de ces vapeurs encourageantes. Il s'agit de mon envie déjà existante de poser moi-même le pareil geste. J'aurais initié le baiser s'il n'avait pas posé ses lèvres sur les miennes. Peu importe à qui la faute doit être attribuée, le fil des événements était déjà bouleversé.

Et puis il y a eu du noir, dû à des paupières trop longtemps fermées pour savourer, à un éclairage faible de fin de soirée, à une promenade sous les quelques réverbères de garde pour la nuit, et à une pièce aux volets fermés. Et puis il y a eu deux ombres qui se sont rapprochées, touchées, appréciées et finalement reposées l'une contre l'autre. Il y a eu des soupirs, des sourires, des nervosités, des souffles apaisés.

C'était du temps où je recommençais à vivre. Où j'étais redevenue plus qu'une fade image de celle que j'étais avant. Où je ne suffoquais plus à l'idée d'être seule, où je n'avais plus envie de me déchiqueter les veines. Je reprenais goût à tout ce qui, autrefois, me faisait vibrer. Je recommençais à penser et à parler la phrase unique qui n'effleure personne d'autre que moi. Je riais à nouveau, je buvais mon chocolat, je me remettais à l'écriture et je me branchais à la musique comme auparavant.

Il s'agit de cet échange devant un café costaricain des plus sophistiqués et un chocolat chaud très mousseux, de ces chansons partagées dans une petite chambre, de ces aveux et de cette entente, de ces baisers volés dans un lit satiné, de cette tendresse, de ces étreintes, de ces paroles chuchotées, de ce ton emprunté qui incarnait toute l'intimité voulue, de ce confort, de cette espèce d'extase, si vraiment j'ai le droit de m'emporter et d'oser qualifier ces heures ainsi...

Et puis il y a eu l'attente de le revoir, étirée par deux semaines de voyage, mais rassurée par des messages envoyés. Il y a eu un retour raté provoqué par une panique précipitée de sa part, ou tout simplement par un constat décevant. Il y a eu une fin, des silences, des explications insatisfaisantes, sa gêne immense et mon espoir démesuré que tout recoulerait comme avant.

C'était du temps où je croyais qu'un lien s'était tissé entre deux êtres. Où je pensais avoir rencontré quelqu'un à l'âme semblable à la mienne. Je connaissais l'intérêt qu'il me portait, ou plutôt celui qu'il prétendait avoir pour moi. Je me disais que son insécurité était ce qui l'avait fait fuir, qu'il avait opté pour l'assurance de ne pas souffrir par peur de se faire prendre au jeu. Jeu que je ne souhaitais jouer qu'avec lui, et non pas à ses dépens.

Il s'agit de cette soirée durant laquelle il a offert de m'écouter. De cet endroit que je jugeais peu approprié. De ce costume rétro qui m'enlevait toute crédibilité. De cette musique trop forte qui nous obligeait à gueuler, parfois.

Et puis il y a eu mes vérités. Il y a eu mon intention de le convaincre de l'aspect minable de sa raison pour vouloir m'éloigner. Il y a eu ses révélations, des malaises, des taquineries, de longs regards, des bras qui se frôlaient. Il y a eu cette lueur qui s'est formée en moi et qui me chuchotait que tout irait pour le mieux, maintenant.

Mais maintenant il ne reste plus que son rejet. Il ne reste plus qu'un écran qui me révèle à sa place que c'est fini. Ne reste plus que ma honte de m'être emballée, mon embarras d'y avoir cru. Il ne reste plus qu'un froid. Il ne reste plus que lui, qui s'en est tiré. Ne reste plus que moi, qui devra m'en sortir. Qui devra le sortir de moi.