samedi 31 janvier 2015






Pleurer dans ses lunettes est une activité fort déplaisante.  D'abord, parce qu'on pleure, et que si on pleure, c'est qu'on a mal, et aussi parce qu'il faut nettoyer les verres après.  De plus, les cils humides paraissent un peu plus gros et obscurcissent un tantinet la vue.  Mais ça ne dure pas trop longtemps, à moins de pleurer vraiment longtemps.  À cela il faut ajouter le pathétisme de la situation, soit le fait de pleurer, ce qui peut s'avérer gênant, tout en salissant l'outil même qui permet de voir.  Se dire «Ça y est, je pleure!  Je ne vois plus rien!  Je dois essuyer mes lunettes...» n'arrange rien.  Se le répéter peut d'ailleurs provoquer le jaillissement de nouvelles larmes, ce qui fait que l'on doit s'armer d'un autre mouchoir ou tissu quelconque pour éponger à nouveau ses montures.  Se repasser en tête l'événement à l'origine des premiers pleurs n'engendre que la catastrophe, le déluge.  D'énormes sanglots peuvent s'ensuivre, un filet de morve s'échapper d'une narine...  Plus on tente de respirer, de se calmer, plus l'humiliation devient grande, semble-t-il.  Les risques de hoquets et de ronchonnements s'élèvent.  On pleure d'avoir mal, on pleure de pleurer, on pleure de savoir de quoi on a l'air.  Carrément pathétique.  Et, d'un coup, on se rend compte que les larmes ont séché.  Les lunettes aussi, mais il faut une dernière fois les torcher.










jeudi 29 janvier 2015




Le palmarès louche - Septième édition


Le clip : Sherwin Akbarzadeh a réalisé ce vidéoclip pour la chanson Can't Control My Love du groupe Total Giovanni.  Je ne dirai qu'une chose : le garçon!



La chanson : Coyotes de Modest Mouse, un de mes groupes culte.  Je ne sais pas pourquoi, cette pièce me donne un peu envie de pleurer.  C'est peut-être le refrain.  Ou le clip (inspiré par un réel fait divers, mais l'histoire se termine pourtant bien).




L'artiste : L'auteur et illustrateur (et même plus) Tomi Ungerer.  Ses livres jeunesse correspondent tout à fait à ce que je préfère dans ce genre : des histoires un peu sombres qui, en fait, plaisent souvent davantage aux parents qu'à leur progéniture.  Certains des thèmes abordés et des réflexions partagées sur l'humain peuvent être considérés comme inappropriés ou trop avancés pour les petits.  Néanmoins, on dit de ses livres qu'il en ressort une luminosité particulière et qu'ils savent aussi démontrer le bon côté de l'esprit humain.  Il se décrit lui-même comme étant un conteur et un satiriste.
 
Otto, originalement publié en allemand en 1999.  Il s'agit de l'autobiographie d'un ourson qui souhaite retrouver son propriétaire, un garçon Juif duquel il a été séparé lors de la Seconde Guerre mondiale. 


The Three Robbers, paru en 1961.  C'est l'histoire de trois voleurs qui terrorisent les gens à l'aide d'une hache, de poivre de Cayenne et d'un tromblon, une espèce d'arme à feu.


La découverte : Le travail du sculpteur japonais Yoshitoshi Kanemaki.  WOW.

Kanemaki au travail.


© Yoshitoshi Kanemaki, 2013


Reborn Exodus, © Yoshitoshi Kanemaki, 2009


Le blog : Style Sud-Est, d'Ariane Lasalle, une dame qui vit à Montréal et qui ROCKE!  Accessoires inusités, jupes et chandails funky, bottes et chaussures originales, les goûts de cette femme vont dans le même sens que les miens.  Je VEUX son look éclaté!

© Google+ Ariane Lasalle


© Google+ Ariane Lasalle


© Google+ Ariane Lasalle


La citation :  
"We may be through with the past, but the past is not through with us."

- Bergen Evans, The National History of Nonsense


La réflexion : Engendrée par l'étude d'Arthur Aron et cie., intitulée The Experimental Generation of Interpersonal Closeness : A Procedure and Some Preliminary Findings, et qui consiste à créer un face à face entre un homme et une femme hétérosexuels qui doivent se poser l'un à l'autre 36 questions pré-établies.  Ensuite, ils doivent se regarder les yeux dans les yeux pendant 4 minutes.  Le but de tout ça est de démontrer qu'une intimité peut se développer entre deux individus en une courte période de temps (45 minutes pour la période de questions).  Cette proximité peut alors favoriser des sentiments amoureux.  J'ai toujours cru et dit que l'on ne choisit pas la personne dont on devient amoureux.  J'ajoute souvent que si j'avais pu choisir, je me serais sans doute tournée vers des alternatives plus simples et moins déchirantes.  Mais bon.  Lire à propos de cette étude me fait réfléchir.  Je n'ai jamais eu de blind date, mais je trouve que cette recherche récupère un peu du concept tout en facilitant l'échange et le rapprochement.  Je ne me mettrai pas à croire que les sentiments puissent être contrôlés, mais c'est intéressant et le principe fait un peu rêver.  Et si...?


La lecture : L'orangeraie de Larry Tremblay, paru aux Éditions Alto.  L'auteur, plus connu comme dramaturge et metteur en scène, en est à son deuxième roman avec ce titre qui traite de foi, de valeurs, de trahison et de croyances.  Mais que signifie vraiment se sacrifier pour son peuple?  Quelle est la véritable définition du mot «héros»?  Puissant.



Le pire : Le syndrome prémenstruel.

dimanche 25 janvier 2015





J'ai mis mon CV à jour.  Pour la première fois depuis 2007.  Drôle d'exercice, tout de même.  Ça prouve ma fidélité envers ma job de libraire, mais je constate aussi que je n'ai pas foutu grand-chose d'autre durant ces années.  Professionnellement.  Ou pour l'accomplissement, ce sentiment dont tout le monde semble se préoccuper et souhaite atteindre sauf moi.  Du moins pas à travers les mêmes sphères.  Peut-être aussi que je me fais croire que je n'en ai pas besoin.

Non, tout ce temps-là, j'ai couru après ou fui des hommes.  J'ai adopté des chats.  J'ai été malade, ma tête n'a pas fonctionné pendant longtemps.  Je suis déménagée trois fois.  Je n'ai rien compris à plusieurs choses, me suis questionnée à propos de certaines, demeurée indifférente à d'autres.  Je me suis imaginé que j'avais raison, je me suis imaginé que j'avais tort.  Je n'ai pas cru en moi, je me suis mutilée.  J'ai ri.  J'ai été soucieuse puis irresponsable.  J'ai blessé des gens.  Je n'ai pas su comment agir, parfois.  J'ai marqué des points, en ai perdu.  Je me suis empiffrée de poutines.  J'ai changé d'avis, j'ai été têtue.  J'ai marché, mais je n'ai pas assez voyagé.  Je me suis saoulée, j'ai regretté à quelques reprises.  J'ai lu, j'ai cessé de croire en mon manuscrit.  En la pertinence de sa publication.  J'ai eu mal.  Très mal.  J'ai été bien.  Même plus que bien.  J'ai touché, j'ai vu, j'ai senti, j'ai entendu, j'ai goûté.  J'ai voulu trop et pas assez.  Je n'ai pas fait ce qu'il fallait.  Bravé des interdits.  J'en ai souvent été fière.  J'ai été impressionnée, blasée aussi.  Pessimiste, des fois optimiste.  Souvent, j'ai pleuré et je n'ai pas été gentille.  Je n'ai pas utilisé mon plein potentiel, j'ai gaspillé.  Il y a eu un bout où j'étais dépendante de la présence d'autres, puis un bout où je me suis isolée.  J'ai été petite, j'ai été grande, j'ai été importante et j'ai été insignifiante.  J'ai été moi-même, je me suis écartée, je suis revenue.

Mais tout ça, ça ne s'écrit pas dans un CV.  Et pourtant, tout ça m'a formée, me forme encore.  J'aurais pu faire sans.  Je n'aurais jamais su ce que j'avais manqué ou subi.  On n'a pas besoin de certaines expériences.  Elles nous construisent, mais une différente peut nous forger aussi.  Certaines ne devraient pas être vécues.  Rien n'arrive pour rien?  C'est la plus mauvaise blague qui soit, selon moi.  La pire insulte.  Je ne peux pas et je ne vois pas comment je pourrais être reconnaissante envers mes dépressions.  Ou en voir l'utilité ou les avantages.  Être contente que ça m'amène à ci ou à ça.  Je ne dis pas que la vie devrait être belle et douce, parce que la vie n'est pas toujours belle ni douce et encore moins juste.  Mais elle pourrait l'être un peu plus.  Et ne me startez pas avec les arguments du genre «il faut s'aider soi-même», «il faut y mettre du sien», «ça n'arrive pas tout seul» ou «il faut faire des efforts».  Oui.  Reste qu'il y en a qui font tout mais n'ont rien. 






jeudi 22 janvier 2015




Le palmarès louche - Sixième édition


Le film : Innocence (2004), avec Marion Cotillard et réalisé et scénarisé par Lucile Hadzihalilovic, d'après le (la?) novella de Frank Wedekind, Mine-Haha, or On the Bodily Education of Young Girls (Mine-Haha oder Über die körperliche Erziehung der jungen Mädchen, pour la version originale allemande).  On se retrouve en plein coeur d'un pensionnat pour jeunes filles retiré de la civilisation et bordé de hauts murs.  Les pensionnaires y apprennent la biologie et la danse.  Des règles très strictes doivent être suivies à la lettre : interdiction de tenter de s'échapper, suivre l'horaire comme il se doit, la plus vieille de chaque groupe doit prendre soin de la plus jeune...  On veille à ce que toutes les filles reçoivent une éducation parfaite pour qu'elles puissent devenir des femmes aux bons critères de beauté, de grâce et d'intelligence.  L'ambiance y est particulière et plusieurs secrets planent concernant l'école et son histoire, ce qui attise notre curiosité autant que celle des plus jeunes.  Le jeu des comédiennes est très réussi.  Beaucoup de plans nous présentent les visages des jeunes filles prises dans leurs pensées ou fixant au loin, visages sur lesquelles on voit plein d'émotions se succéder.

Des filles accueillent la nouvelle venue dans leur groupe.  Chaque pensionnaire arrive dans un cercueil.  Ne sachant pas comment entrer sur le terrain de l'école, essayer d'en sortir par soi-même s'avère une aventure risquée et passible de réprimandes graves.


La chanson : Do You Love Me Now, de The Breeders.  Merci à Série Noire de me l'avoir fait entendre.




Le clip : Une des pièces incontournables du groupe Interpol est Evil.  Le vidéoclip qui accompagne la chanson a été réalisé par Charlie White.  C'est l'amie Suzanne qui m'a rappelé l'existence de Norman la marionnette.




La citation : Sortie du roman My Ántonia de Willa Cather :

"Some memories are realities, and are better than anything that can ever happen to one again."


La lecture : Ça va aller, un des premiers romans d'une auteure chérie à moi, Catherine Mavrikakis.  Je n'ai pas autant apprécié ce livre que Le ciel de Bay City, Les derniers jours de Smokey Nelson ou L'éternité en accéléré.  Les «cela» au lieu de «ça» m'ont agacée.  Ils détonnent du reste du langage emprunté par la narratrice, Sappho-Didon Apostasias, qui est haineuse et envoie chier tout le monde.  Elle fait dans le très théâtral, le dramatique.  Son identité est trouble, elle passe souvent de l'amour à l'exécration, ou l'inverse, pour les gens, particulièrement sa mère, et critique beaucoup le Québec, ce pays qui n'a pas réussi mais qui fait tout de même partie d'elle.  Il y a d'excellents passages, Mavrikakis semble toujours avoir bien écrit, et puis l'histoire à la base a de quoi plaire, mais j'ai décroché lors de certains revirements de situation.  Et, je le dis : la fin est pénible.  Lisez les autres titres susmentionnés.


L'âge : J'ai eu 30 ans le samedi 17 janvier dernier.


L'album : Arrows Of Desire (2013), de Matthew Good.  Cet homme est un de mes chanteurs favoris depuis que j'ai entendu la chanson Indestructible, du temps de Matthew Good Band, un soir alors que j'étais couchée dans une chambre au sous-sol chez ma grand-mère.  Je me suis procurée tous les disques du band et je n'ai pu qu'aimer davantage les textes et leur musique.  M. Good, que je considère aussi comme un très grand poète, fait carrière solo depuis 2003 avec la sortie d'Avalanche, qui a été une grande révélation pour moi et demeure un de mes albums préférés à vie.  Depuis, j'avoue qu'il n'a pas réussi à m'impressionner autant avec ses efforts suivants.  Peut-être que la barre est trop haute dans mon esprit, mais ses chansons post-Avalanche, bien que très écoutables, me semblent un peu fade.  Bref, Arrows Of Desire est, selon moi, beaucoup plus développé et plus agressif.  Les mélodies sont plus variées, plus recherchées, et la guitare prend la place qui lui revient.  Bon, je ne suis pas critique de musique et ça paraît, mais comprenez que j'aime cet album et que je suis très contente d'entendre Matthew Good sous cette forme-là.

Pochette de l'album Arrows Of Desire de Matthew Good, photo courtoisie de Rob Harson


vendredi 16 janvier 2015





Le palmarès louche - Cinquième édition


La constatation : Je ne peux plus sauter sur mon lit.  Je suis trop grande, je me pèterais la tête.  Remarquez, c'est peut-être mon plafond qui est trop bas, je ne vis pas dans une cathédrale, moi.  Mais en fait, je crois que le seul lit sur lequel j'ai pu sauter est celui des parents de mes amies Marie-Claude et Jolène.  Nous étions plus petites alors, et le plafond plus haut. 


La photographe : Aisha Zeijpveld, une photographe indépendante qui travaille à Amsterdam.  J'adore ses sujets et les manipulations qu'elle exécute (silhouettes de carton, comme dans les exemples ci-dessous, la superposition de couches d'images, l'utilisation de différentes textures...).  Il en ressort des oeuvres d'une clarté un peu absurde, surréelle.

Deux photographies de la série What Remains (2012) © Aisha Zeijpveld, inspirée par des sketchs de l'artiste Egon Schiele



Le site : A Softer World, qui figure dans les liens de ce blog depuis pas mal sa création, je dirais (du blog, pas du site).  Le concept est simple : une photo en triptyque d'Emily Horne soutenue par un très court texte de Joey Comeau.  Le message peut être drôle, cynique, triste, des fois même un peu effrayant...  Je dois dire que j'ai un penchant pour les mots souvent durs mais si lucides de Comeau. 


Le film : J'ai finalement vu The Godfather, que j'ai beaucoup aimé.  Merci à mon ami Mike de m'avoir permis de rayer ce titre de ma liste de films à voir.  Je suis prête pour The Godfather : Part II.


La chanson : Une de The Naked And Famous, groupe entendu durant le Pub Quiz de cette semaine.  J'avais oublié que je les connaissais déjà.  Écoutez aussi Young Blood, j'ai longuement hésité à savoir laquelle des deux je partagerais.




La citation : Guillaume Chauvin et Rémi Hubert ont remporté en 2009 le concours Grand Prix Paris Match du photoreportage étudiant avec leur série intitulée Mention rien, des diplômés option précarité.  Lors de la remise du prix à la Sorbonne, les deux jeunes hommes, élèves de l'École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg à l'époque, ont avoué avoir fabriqué leur reportage en créant des mises en scène basées sur des histoires vraies.  Le prix, d'une valeur de 5000 euros, a été annulé et plutôt remis à l'établissement que fréquentaient Chauvin et Hubert.  Dans leur discours prononcé lors de la cérémonie, ils ont clairement exprimé leur but, soit celui de souligner la manipulation de la réalité faite à travers différents médias.  Je trouve leur démarche inspirante et la pertinence de leur «supercherie» fort à propos.  Voici un extrait dudit discours :

«Nous proposons donc ici une interprétation de la réalité, construite, maîtrisée, au même titre que la photographie et l'information interprètent des réalités.
C'est bien là que sont nos sincères motivations : nous tenons à souligner que le faux ne s'oppose pas au vrai, mais qu'il permet de faire émerger les mécanismes du discours. Notre démarche, en tant que faiseurs d'images, est une tentative de remise en question : celle des rouages d'un discours médiatique qui a pour ingrédients la complaisance et le voyeurisme dans la représentation de la détresse. Grâce au Grand Prix Paris Match, nous souhaitons donc éveiller les consciences sur la fragilité, la force et l'ambiguïté des images d'information.»

- Guillaume Chauvin et Rémi Hubert



La série : J'ai commencé à regarder Série noire et j'aime.  Les deux personnages principaux sont vraiment tatas et beaucoup trop dévoués à leur projet de scénarisation de la deuxième saison de leur émission écrasée par les critiques.  Leur «démarche» et leurs niaiseries les mettent dans'marde...  C'est fou ce que ça peut faire faire, l'écriture!  En fait, pas mal tout le monde dans cette série est disjoncté!


L'artiste : La mystérieuse sculptrice de livres.  J'avais déjà vu quelques-unes de ses oeuvres, mais le lien qu'Antoine Tanguay d'Alto a partagé sur Facebook m'a permis d'en apprendre plus sur cette personne, son travail et ses objectifs.  La dame crée ses oeuvres à partir de pages de livres et les dépose un peu partout dans la ville d'Edinburgh (devant des bibliothèques, surtout).  Je suis très impressionnée par la minutie de ses créations.  En plus, ce geste supporte le livre et les gens qui s'efforcent d'y accorder sa place méritée dans la société.

Lost in a good book..., © Mystery book sculptor













lundi 12 janvier 2015




À l'aube de la vingtaine, moi, j'entrais à l'université, j'avais un travail à temps partiel peu forçant dans la petite boutique cadeaux située à l'entrée d'un hôpital, je sortais toutes les semaines fêter avec mes amis au pub étudiant, je découvrais enfin ce que ça faisait que d'entendre un garçon me dire qu'il me trouve belle et de le croire, je menais une vie insouciante.  Mes parents n'étaient jamais loin pour me venir en aide, au cas.  Je me souviens d'ailleurs que je les trouvais trop «là» pour la jeune adulte que je devenais.  Mais ça, c'est le genre de truc pour lequel la reconnaissance ne vient que des années plus tard.

Autour de ses 18 ans, ma grand-mère maternelle s'est enrôlée dans l'armée britannique lors de la Seconde Guerre mondiale.  Elle a été de celles qui guettaient les incendies sur les toits des maisons.  Les années suivantes, toujours en temps de guerre, elle a largué son fiancé australien puis a rencontré mon grand-père, un Québécois.  Ils se sont mariés dans une petite église de Brighton et elle a traversé l'Atlantique avec des centaines d'autres war brides pour vivre en Amérique et y fonder une famille.  Elle a appris le français.  Elle a encore un accent fort charmant, son accent bien à elle.  J'aime entendre les mots en anglais qu'elle glisse de temps à autre dans ses phrases, j'aime le fait qu'elle dit encore «they» au lieu de «ils», comme dans «They avaient pas le temps...», ou quelque chose du genre, et qu'elle garde ses verbes à l'infinitif parfois.  Je souris chaque fois qu'elle s'exclame «Well, bless my cotton socks!» ou qu'elle dit «We aim to please» lorsqu'elle nous reçoit.

Ma Granny a eu 92 ans l'automne dernier.  Elle a eu 8 enfants, 19 petits-enfants et accueillera son 18e arrière-petit-enfant cet hiver.  Nous sommes tout ce monde-là à nous la partager.  Elle est chaleureuse, généreuse, a l'oreille attentive et une patience du tonnerre.  Pendant des années, elle a fait des repas pour des armées, de la BONNE bouffe, et des BONS desserts.  Nous nous sommes tous déjà battus pour avoir le dernier biscuit aux chocolate Chipits ou la dernière pointe de tarte aux cerises.  Elle a du style, vous ne la verrez jamais «s'habiller en grand-mère».  Elle a du goût, les cadeaux qu'elle offre sont toujours choisis avec soin.  Elle a une jolie cour l'été, où se promène son ami Charlie, le petit tamia, et où se nourrissent plein d'oiseaux.  Elle s'informe de tout et de tout le monde, pense aux autres bien avant de penser à elle.  Elle se garde à jour avec les émissions branchées comme Dancing With The Stars et écoute aussi les nouvelles.  Elle donne son opinion mais ne se chicane pas.  Ma Granny est douce et forte en même temps.  

Je ne vais pas la voir assez souvent et je ne lui parle pas assez non plus.  Mais j'aime l'observer.  Je la trouve belle.  Je surveille ses réactions à ce qui se passe autour.  Je la regarde, je l'écoute.  Je l'aime.  C'est ma Granny.     


Katryn Young, ma Granny     (© Jean-Yves Blanchette)




jeudi 8 janvier 2015





Le palmarès louche - Quatrième édition


La chanson : About Today, de The National.




La citation : Tirée du récit À Babylone, compris dans le recueil Caprice de la reine de Jean Echenoz, aux Éditions de Minuit :

«D'ailleurs tous les auteurs exagèrent, tous ont à coeur de se contredire.»


Le(s) clip(s) : Celui pour la chanson Chandelier, de Sia.  Le clip a été réalisé par Sia et Daniel Askill.  La chorégraphie est de Ryan Heffington et interprétée par Maddie Ziegler.  C'est weird et senti comme j'aime.




Ok, mais en faisant une recherche sur le chorégraphe, Heffington, je suis tombée sur un autre clip auquel il a participé, celui de We Exist, d'Arcade Fire.  Et je considère que je n'ai pas le choix de partager les deux avec vous.  Ça me plaît.  Ça me plaît beaucoup!




La lecture : Oona & Salinger, de Frédéric Beigbeder, paru chez Grasset.  J'ai failli vous servir un des nombreux passages que j'ai retenus de ce roman comme citation, mais je me suis dit que j'en trouverais une d'un autre écrivain.  Beigbeder sait lui-même prendre beaucoup de place et se faire remarquer, il n'a pas besoin de moi!  J'adore cet homme.  Et j'ai énormément apprécié sa dernière publication, où il s'imagine l'amourette qu'ont vécu Oona O'Neill et J. D. Salinger avant que celle-ci ne devienne la dernière épouse de Charlie Chaplin et que Salinger ne parte pour la guerre puis revienne et fasse paraître The Catcher In The Rye.  Sa narration, toujours ponctuée de remarques et de tournures typiques de l'auteur, l'insère lui-même dans le récit et démontre son propre rapport avec les deux protagonistes (il est passé près de cogner chez Salinger pour le rencontrer mais y a renoncé à la toute dernière minute).  L'époque durant laquelle les deux jeunes amoureux se sont rencontrés (début des années 40) et leurs vies respectives, avant, pendant et après, sont fort passionnantes.  

Oona O'Neill

J. D. Salinger


Le blog : Un de mes amis du secondaire, Marc, avec qui j'ai entre autres fait du théâtre, est présentement aux îles Kerguelen, archipel dont j'ignorais l'existence et donc son emplacement sur le globe (après découverte : c'est loin en viarge!) pour y faire une étude sur l'effet des changements climatiques sur les mécanismes biologiques des moules (oui oui).  Il tient un blog pour nous raconter ses aventures, je lui laisse le soin de parler de son projet de façon plus précise.  Même si je ne connais rien aux moules, je trouve son partage intéressant, il nous détaille son quotidien et met en ligne des photos de son environnement immédiat (les bonbons, c'est cute!).  Allez y faire un tour!


Le meilleur : Participer au Pub Quiz de la Ninkasi!  Ça faisait si longtemps qu'on m'en parlait...  J'ai eu l'occasion de jouer à ce quiz de culture générale pour la première fois lundi dernier.  Ça se joue en équipe, y'a de la bière, l'ambiance est super...  Génial!





samedi 3 janvier 2015






Alors je suis assise là sur mon divan et je note tout ce que Frédéric Beigbeder a dit de plus beau dans son dernier  roman.  J'écoute The National.  Je brasse la tête et tape du pied lourdement pour accentuer certains segments.  Je vois pas ce que je pourrais faire d'autre.  Je veux dire, y'a plein d'autres trucs mais je vois pas, je vois pas.  Penser à quelqu'un, ça occupe mais pas vraiment.  Je constate que j'ai pas retrouvé mon écriture d'avant, d'avant que mes mains se mettent à trembler puis à se contrôler puis à trembler des fois, j'ai plutôt retrouvé celle de mes huit ans.  J'appuie trop fort, mon stylo dérape, j'appuie pas assez fort, c'est pas mieux.  Je sais pas si je devrais écrire plus gros ou plus petit.  Plus vite ou plus lentement.  Y'a des petits papiers partout sur les tables pliantes dépliées.  Je tousse.  Je me lève pour lancer un jouet à mon chat qui a un regain d'énergie.  Je m'aperçois que moi, j'en ai pas. 

J'ai des questions.  

Depuis le début de 2015, je me nourris de chocolat et de soupe.  Y'a eu une poutine, aussi.  Je tousse.  Depuis 2015, je vis en recluse.  Ça me convient.  Puis je me rappelle que cette année, je dois être quelqu'un, faire quelque chose, et ça m'angoisse.  On m'a dit que j'avais tendance à me rebuter devant certaines responsabilités d'adulte.  C'est vrai.  Je sais pas comment je vois mon horaire, pour plus tard.  J'écris mal.  Les «s», surtout.  Je tousse.  Je veux lire en boucle.  En boucle.  En boucle.  Pas perdre de temps avec les débuts minables.  Ceux qui tournent en rond.  Il faut que je sois conquise d'un coup.  Alors que moi, je fais rarement bonne première impression.

Pas de réponse.

Aucune réponse.










 

jeudi 1 janvier 2015





Le palmarès louche - Troisième édition


La lecture : Chercher Sam de Sophie Bienvenu, première publication du Cheval d'août.  Mlle Bienvenu a toujours réussi à retourner plusieurs choses en moi, mais là, avec son nouveau roman, elle m'a atteinte plus que jamais et est parvenue à m'arracher des larmes.  J'ai eu la gorge serrée et les yeux pleins d'eau tout le long de ma lecture.  Bon, il faut dire que ça raconte l'histoire d'un jeune qui vit dans la rue et qui perd son seul allié, sa chienne Sam, et qu'il part à sa recherche tout en se remémorant son parcours, et que moi les histoires d'animaux me touchent particulièrement.  Reste tout de même que l'auteure a un immense talent.


Le meilleur : Voir mon frère à Noël.  C'est la première fois depuis plusieurs années que nous avons la chance de passer ce jour-là avec lui, les privilèges à son travail ne lui revenant pas toujours en premier...  Et puis de revoir ma belle-soeur et mon neveu a été très plaisant aussi.


La chanson : Trouble Is A Friend de Lenka.  C'est Marie-Claude, la soeur de Marie-Hélène-de-la-librairie, qui m'a fait entendre pour la première fois l'album éponyme de cette chanteuse, et c'est ce morceau qui m'a accrochée.  Je l'ai réentendu cette semaine, c'était loin dans ma mémoire.  Et après tout, le trouble n'est jamais bien loin de personne...




La télésérie : Un gars, une fille, créée par Guy A. Lepage.  J'en ai regardé quelques épisodes avec un ami l'autre soir et j'ai eu beaucoup de plaisir à revoir des scènes de cette émission.  J'étais assez assidue lors de sa diffusion entre 1997 et 2003 et le concept m'émerveille tout autant qu'à l'époque.  Il s'agit d'une des séries de fiction la plus adaptée ailleurs dans le monde.  Le couple de Guy et Sylvie est parfait dans ses imperfections.  Leur quotidien, leurs habitudes, leurs personnalités et manies distinctes, leur complicité et leur amour sont rendus de façon très authentique.  Mis à part la garde-robe des personnages, la télésérie vieillit très bien.


La frustration : J'aimerais que les gens cessent de qualifier tous cheveux ayant un minimum de relief vaguelé de frisés.  J'ai les cheveux frisés.  Beaucoup de gens ont une tignasse bouclée.  Mais la moitié des chevelures de cette liste, mes amis, ne correspond pas à l'idée que je me fais d'une tête frisée.  Seuls les numéros 1, 5, 6 (à la rigueur), 9, 12 et 14 répondent à mes critères de boudins.  Le reste, eh bien elles ont des petites vagues, c'est tout.  Je tenais à souligner la nuance.  Vous savez, pouvoir faire cette distinction est d'une importance capitale dans le Monde.

Curly Hair

Wavy Hair


La photographe : Beth Moon, qui a entre autres parcouru le monde et capturé des images des arbres les plus anciens sur cette Terre, des merveilles dont je n'aurais jamais pu imaginer la beauté.

Kapok, © Beth Moon


Le webcomic : My Cardboard Life.  J'avais complètement oublié Paper Pauline et Cardboard Colin,   les personnages de Philippa Rice, jusqu'à ce que je tombe sur un article sur son travail.  Pourtant, elle ne manque pas d'idées ni de créativité.  Pauline est insupportable avec Colin, et lui encaisse le traitement sans riposter.  Leurs interactions sont illustrées de façon fort jolie : à l'aide de collages!  Ça ramène à l'enfance et au bricolage, mais ça amuse les adultes.

© Philippa Rice