La première fois que je les ai entendus, c'était à l'AgitéE à Québec. Ils étaient encore six. C'était l'automne, ils venaient de débarquer dans la capitale et mon copain de l'époque était leur plus grand fan. J'ai été surprise, leurs chansons puissantes ont eu un effet sur moi : il ne s'agissait pas d'un quelconque groupe qui tente de percer. Ces gars-là l'avaient. Puis je les ai revus au Nostradamus, où j'ai avoué au plus jeune d'entre eux qu'il était mon Freatz préféré. Il m'avait refilé sa couronne de plumes et à partir de ce moment-là je voulais qu'il n'y ait que moi qui aie le privilège de la porter. Je me suis approprié cet objet rapidement et l'ai entouré d'une espèce de possessivité inutile, les plumes étant disparues depuis. J'ai vécu mon premier après-show chez les gars ce soir-là. Rencontré celles qui allaient devenir mes «gonzesses», mes groupies alliées. Je ne me souviens plus exactement du moment à partir duquel je n'ai plus raté un seul de leurs spectacles ou presque, mais je me souviens de ce soir où je me suis rendue à Thetford Mines sans le fan #1 (devenu alors ex) pour les écouter. Ils jouaient au Sgt. Peppers Pub, nous nous étions fait livrer de la pizza sur place et il y avait un vieux chien qui se promenait dans la foule pendant leur performance. C'est peut-être là que je suis devenue «une Freatz». Ils sont tombés à cinq, puis à quatre. Je les ai suivis à quelques reprises. Thetford Mines (d'où ils sont tous originaires), Montmagny, St-Jean-Port-Joli, Montréal. J'ai joué à la groupie, puis je suis devenue une amie, je pense.
Ils sont venus à Québec pour se faire connaître. Ont loué un appartement à quatre dans le quartier St-Roch, un appart à une seule chambre fermée, une cuisine gigantesque et un salon qu'on pourrait dire double. Ils avaient installé des draps pour séparer la chambre en deux puis pour séparer un coin du salon, que les deux frères se partageaient. Intimité zéro, mais j'adorais cet endroit. Ils m'y ont fait découvrir une tonne d'artistes, m'ont endurée saoule, m'ont accueillie pour regarder des épisodes de Dexter, m'ont prêté un divan pour la nuit, ont donné des shows privés, m'ont laissé flatter les chats, Saké le gros tas noir et Kahlu le p'tit blanc (deux frères eux aussi), m'ont vue danser sur du Ray Charles en buvant du «p'tit carré» et participer à une séance d'étirements impromptue à quatre ou cinq dans l'énorme cuisine, ils ont mis leur cerveau à off eux aussi le temps de quelques émissions imbéciles à V (Wipeout, merci).
Je n'ai jamais connu d'aussi près des gens avec autant de talent pour composer des chansons et créer des harmonies poussées. Pour les jouer ensemble. Je n'ai jamais vu un groupe
live autant de fois, sans m'en lasser. Et j'en voulais toujours plus. Je n'ai jamais connu des gars aussi passionnés. J'ai souvent dit d'eux qu'ils sont de véritables musiciens, dans tous les sens du terme, avec les clichés et les réalités que ça comprend. Les egos, les émotions et les extrêmes compris. Je n'avais jamais vu avant un groupe dont les membres jouent à «l'instrument musical», c'est-à-dire que chacun joue de deux ou trois instruments différents durant un même spectacle. Maintenant, je le vois plus fréquemment, mais c'était une première pour moi et j'étais fort impressionnée. Je le suis toujours par eux. J'ai rabattu les oreilles d'environ tout le monde que je connais avec The Freatz, vantant leurs mérites, leurs chansons, leur talent. J'ai cru en leur ensemble, en leur produit, en leur créativité.
Par moments, je les ai trouvés jeunes, je les ai trouvés paresseux. Je les ai trouvés drôles, cons, beaux, séduisants. Je me suis sans doute trop imposée à eux au début, pour plusieurs raisons, mais jamais ils ne m'ont signifié que je n'avais pas ma place parmi eux, même si je doutais et me demandais souvent si je comptais pour eux. Je me suis un peu accrochée à ce groupe, étant donné qu'ils sont débarqués dans ma vie au cours d'un entre-deux - mon départ de l'université et mon entrée dans le monde du travail. Je nous ai découvert plusieurs points communs et aussi bien des différences. Aujourd'hui, j'espère que la dissolution du groupe ne provoquera pas la séparation de notre petit groupe. Je tiens encore à passer des soirées à regarder des vidéos sur Youtube, à écouter des tas de chansons jusqu'alors inconnues de moi (parce qu'eux connaissent à peu près tout, c'est fou), à regarder des épisodes de séries américaines, à boire des p'tites bières ou du cidre, à rire, à parler, à regarder un match de hockey, à entendre leurs commentaires douteux, à en émettre moi aussi quelques-uns, à juste passer le temps avec eux.
Le hasard - ou juste la vie - a fait que, quelques semaines seulement avant qu'on m'annonce la fin de mon groupe chéri, je sois tombée sur le film
Bus Palladium, qui raconte l'ascension puis la séparation d'un
band fictif. Pendant tout le visionnement, je n'ai pu m'empêcher de faire des parallèles avec les Freatz. Je pouvais presque associer chacun des personnages à mes amis. Déjà à ce moment-là, je savais que la fin était plausible. Ce groupe n'a jamais rencontré tout le public qu'il méritait, et c'est bien dommage. Leur carrière ne reflète qu'une minuscule portion de leur potentiel et je trouve ça très triste. Je sais aussi que ces quatre hommes ont le talent nécessaire pour accomplir de grandes choses. Je ne suis pas inquiète, certains sont déjà bien lancés ailleurs. Je leur aurais simplement souhaité de vivre ça ensemble, et souhaité au monde de connaître The Freatz.
Les gars, merci pour ces années de rock'n'roll.
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The Freatz à leurs débuts, circa 2005 : Bill (que j'ai si peu connu), Alex, JP, Bobby, Pat et Jim. |
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The Freatz au Festival de la Relève 2011, Thetford Mines, 18 août 2011 |
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The Freatz au Pub 135, Thetford Mines, 18 mars 2012 |
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