Ma grand-mère maternelle est décédée à pareille date il y a maintenant quatre ans. Je me souviens vaguement du coup de fil reçu m'annonçant qu'elle était de nouveau rendue à l'hôpital. Et que cette fois-là elle n'en sortirait pas vivante.
Je me rappelle alors m'être demandé, tandis que je me préparais pour aller rejoindre ma famille et être à ses côtés : «Qu'est-ce qu'on fait quand on apprend que sa grand-mère est à l'hôpital et qu'on nous dit qu'elle ne passera probablement pas la nuit? Comment vivre cette attente et supporter qu'on ne puisse rien changer au dénouement? Peut-on vraiment se divertir et vaquer à d'autres occupations? Dormir? Penser à autre chose, rire? Doit-on pleurer durant tout ce temps? Quoi faire, vraiment? Se remémorer sa Granny, s'imaginer et refaire sa vie, revoir nos moments avec elle? Ces heures à attendre doivent-elles devenir un hommage? Un recensement de ses grandes actions? Doit-on devenir grave et mettre de côté tout le reste?» Puis je me suis demandé si j'avais le droit de me poser ces questions-là, ou si la réaction appropriée devait être plus naturelle, spontanée. Si je devais regretter de ne pas l'avoir appelée comme je me jurais de le faire plus souvent. Je réfléchissais et je me disais : «Sommes-nous tous vraiment en train d'attendre sa mort, bêtement et platement? Tout en souhaitant repousser cet instant? Est-ce qu'on devrait simplement l'accepter et se dire que c'est peut-être mieux ainsi, mieux pour elle? Se dire que le temps est venu, de façon tout aussi bête et tout aussi plate? Qu'est-ce qu'on peut se dire? Qu'est-ce qu'on peut penser, dans ces moments-là?»
J'ai passé les jours suivants à l'hôpital. Ceux qui ont pu et qui l'ont voulu sont venus la voir. Tous ces rassemblements provoqués par sa mort prochaine ont été, pour moi du moins, affreusement beaux et douloureusement réconfortants. Nous avons rigolé. Granny a gardé son sens de l'humour jusqu'au bout. Je la revois encore jeter un oeil désapprobateur mais taquin à ma mère lorsque celle-ci s'est accrochée dans un des fils la reliant à une quelconque machine. Je revois encore ses sourires faibles mais toujours aussi chaleureux lorsque des nouveaux arrivants débarquaient dans sa chambre. Je l'entends encore me glisser quelques mots, puis insister pour qu'on ne chuchote pas devant elle parce qu'elle voulait suivre toutes nos conversations. Et j'entends mes oncles et mes tantes lui chanter ses chansons préférées, tous agglutinés autour de son lit.
J'ai eu la chance de lui dire adieu et de la remercier pour la famille qu'elle m'a donnée. J'ai eu l'occasion de jaser, potiner, rire et pleurer en sa compagnie juste avant qu'elle parte. Et j'ai aussi eu le plaisir de côtoyer cette grande femme si spéciale pendant 30 ans. Ma Granny, c'était la meilleure.
Hello, dear. Wherever you are.
J'aime TELLEMENT cette photo, prise lors d'un des derniers soupers en sa présence, en mars 2015. On a l'air un brin tatas. (© Jean-Yves Blanchette) |
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