vendredi 29 juin 2007

Pour vous, un autre texte, plus récent celui-là. Je n'y suis pas particulièrement attachée, il me rappelle surtout à quel point je bûchais pour écrire cet hiver, rien ne me satisfaisait, tout était à peu près de la merde. Cet écrit est basé sur un exercice ciblant le personnage fait en classe en février 2007.


Nat

Nat émerge tranquillement d’une torpeur douloureuse. Il fait noir, trop noir. Elle entend un violon au loin jouant une musique très lente, triste, presque ennuyante. Les pleurs d’un enfant viennent briser la langueur de l’instrument.

Nat a froid. Elle sent sur sa peau la fraîcheur du métal qui lui coince les poignets. Elle aimerait repousser la tresse qui lui chatouille le menton, mais en est incapable. Son épaule droite la fait souffrir; elle ne sait pas depuis combien de temps elle gît sur ce qui semble être du ciment inégal.

Elle ignore beaucoup de choses, en fait. Comme la température, dehors, et la date d’aujourd’hui. Ou encore la raison pour laquelle l’enfant hurle. Ce qu’elle a fait pour s’éveiller dans cet endroit. Et aussi l’identité exacte des créatures qu’elle perçoit bouger près d’elle. Les bêtes en question frôlent et dérangent son chandail ample, produisent un couinement glauque. Des rats, se dit Nat. Elle grimace. Elle se sent tanguer d’avant en arrière à l’occasion. Est-elle dans une cale d’un quelconque bateau? Où sont ses parents?

Puis elle se rend compte que la complainte du violon a cessé. Elle discerne des voix d’hommes, elle les imagine qui s’approchent d’elle. Elle n’en reconnaît aucune et ne saisit rien de leur échange. Elle ne peut même pas deviner à combien d’individus appartiennent ces tons agressifs. Nat tremble. Ses quatorze ans lui disent qu’elle est trop jeune pour être violée. Mais peut-être a-t-on abusé d’elle durant son sommeil? Elle ne se souvient de rien.

Les hommes s’éloignent en aboyant. Le bébé poursuit ses lamentations, encore plus fort. Au même moment, le violon entame un air différent mais, comme le précédent, il est sans rythme. Nat ne peut retenir les larmes qui lui montent aux yeux. Il faudrait bien qu’elle sorte d’ici un jour, même si «ici» n’est que noirceur et bruits, et qu’elle ne sait pas où aller pour s’enfuir.

Elle s’efforce de se remettre sur ses pieds. Elle ne réussit qu’à sa troisième tentative, le sol s’amusant toujours à la bercer. Les murs qu’elle ne voit pas se mettent à grincer. Leurs plaintes, ajoutées à celles du bambin et du violon, lui enflent les oreilles. Elle fait quelques pas, les genoux pliés et le haut du corps penché vers l’avant. Son front se cogne contre une paroi glacée. Elle recule d’un geste brusque, puis tente de s’y appuyer. Elle s’aperçoit qu’elle est à bout de souffle, elle s’accorde donc quelques secondes pour retrouver une respiration normale.

Mais Nat suffoque toujours. Et elle ne peut s’empêcher de hurler : «Au secours!». Plusieurs fois. Puis elle frappe le mur avec ses menottes trop serrées. Son corps penche vers la gauche et les bruits sourds de la cale—elle est maintenant certaine d’être sur l’eau, à l’intérieur d’un navire—recommencent. Elle frissonne, encore plus qu’avant.

Elle entend le son d’une clé qui s’active dans une serrure. Des poignes fermes se posent sur ses bras et la font s’asseoir sur le ciment froid. Elle parle, demande qui est là. Les hommes conversent dans une langue qu’elle ne comprend pas.

Nat pleure. Un des hommes se met à rire. L’écho de ses gloussements la fait frémir. Les autres se joignent au ricaneur. Elle se demande ce qu’ils ont fait du bébé, il ne chiale plus.

Puis Nat voit rouge. Nat s’évanouit.

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