C’est ce qui arrivera
Tu me verras comme ça, affalée sur le plancher. Tu me tendras la main, n’est-ce pas que tu le feras? Et je t’aurai bientôt dit que je ne mérite pas le bien, que je n’ai besoin de rien. Je t’avouerai qu’à partir de là, je me joins aux épaves, aux rognures, aux débris, aux ordures de cette planète. L’iris noyé, je te pointerai du doigt. Toi aussi, tu crèveras de ta main l’air entre nous deux. Tu jureras contre le tas de poutres et de planches brisées qui nous sépare.
Pour que tu ne vois pas que je tremble, je collerai contre mon épaule mon menton et mes lèvres bleuis par le ciment trop près. Je ferai de mon mieux pour m’aplatir contre le parterre glacé afin que tu n’aperçoives pas les bandes fluides et rouges qui s’échappent de mon ventre. Je poserai mon pied contre le couteau qu’il a laissé, le couteau qu’il a laissé avant de tout saccager. Tu me demanderas si ça va, sitôt tu maudiras cette parole mal placée, inutile, innocente, les yeux clos. Puis ils courront le long des parois, reviendront à moi. Ta cervelle se questionnera sur le moyen le plus efficace de te rendre à mon corps. Furieux, tu déchireras tous ces bouts de bois, tu les feras fondre, même si le bois ne fond pas.
Parvenu à ma cave gelée, tu t’approcheras, c’est sûr que tu le feras, et tu effleureras mes cheveux, ces cheveux qu’il a tirés sauvagement il y a des milliers d’instants. Tu me souffleras à l’oreille que tout ira mieux, cette oreille dans laquelle il a hurlé plus tôt que j’aimerais ça. Sans faire exprès, tu te saliras de ce fleuve cramoisi qui coule près de moi, et tu verras ma ceinture arrachée, mes jeans défaits. Les sourcils durs, la bouche enflée, je te supplierai de ne pas regarder. Puis je fermerai les yeux, j’arrêterai de respirer, je sais que c’est ce qui arrivera.
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