dimanche 28 décembre 2008





Je n'ai jamais aimé compter les moutons. J'ai bien essayé, quelques fois pour dormir, mais en vain. Alors je ne compte pas, je ne compte rien. Si je me trouve dans un endroit à attendre, je ne compte pas les tuiles au plafond, je ne cherche pas à savoir combien de lattes forment le plancher. Le temps ne passe pas plus vite, et je ne m'en trouve pas plus apaisée.

Mon plus récent passe-temps consiste à créer des chorégraphies, à les imaginer dans ma tête. Je danse, ou bien je vois d'autres corps de danseurs. Chaque figure se démène. Parfois je sais quelle musique accompagne les pas, d'autres fois non. Mais je danse. Tout le temps. Sans mouvement. Ça me calme, et le temps passe, sans me le dire, et je n'y vois que du feu.

Je ne vois que du feu, je danse.














mercredi 24 décembre 2008





Il est quatre heures du mat', et je ne dors pas. Le chat non plus, et je lui fais peur quand je lui demande s'il veut retourner se coucher. Ce félin est beaucoup trop nerveux.

J'ai mangé trois clémentines. Bu un peu d'eau. Changé la litière (parce que ça pressait, , faut croire). J'ai regardé dehors, me suis questionnée quant à savoir s'il faisait froid. En face de l'ordi, tout à côté de la fenêtre, c'est pas très chaud en tout cas. Et je me demande pourquoi je ne suis pas couchée sous mes six ou sept couvertures, à flatter M. Gris.

Je suis en état d'appel, on dirait. J'ignore ce que ça veut dire vraiment, mais ça me semble approprié.

Ce sera bientôt l'anniversaire de quelque chose. L'anniversaire de bien des choses, et de gens. Mais les choses y'a que moi qui les fête. Je suis stupide.

Dans quelques heures, je pars pour Thetford Mines, la contrée de l'amoureux. Ce sera une première pour moi. Et demain, Beloeil j'arrive. Qui sait comment le tout se passera. Il ne faut rien que j'oublie.

Mon frère me manque, en ce moment. Je pense à lui et je me dis que je ne sais même pas si je le verrai durant le temps des Fêtes, cette année. J'irais bien m'entraîner avec lui.

Bon, suffit maintenant. Au lit.





mardi 23 décembre 2008






La libération se fait douce. Je ne m'emporte pas, je ne crie pas «Victoire!», parce que je n'ai rien gagné. Et atteint si peu. C'est fou ce que le chemin est long, parfois. Alors que tout ce qu'on veut, c'est se glisser sous sa peau et s'y sentir bien. Au chaud.

Noël me fait peur. Je n'ai pas envie de ce temps de l'année. Je ne veux pas raconter aux oncles et aux tantes que je vais bien et que tout est réglé maintenant. L'hypocrisie m'étouffe un peu, et je ne souhaite pas me diluer derrière la mienne. Je vais donc raconter la vérité: «Être là-bas, ça faisait chier. C'était long et vraiment plate. J'ai lu, j'ai lu beaucoup. On m'a prescrit un nouveau médicament, le lithium, oui oui. Et là, je suis de retour chez moi, et ça m'arrive de me demander où vont aller tous ces efforts, si je vais vivre plus vieille que 32 ans et si je vais aimer ça.» La description des réactions est à venir.

Mais je me connais, je serai peut-être polie. J'aurai cette excuse-là pour essuyer mes mensonges. Remarquez, je suis sincère lorsque je souhaite de Joyeuses Fêtes ou un joyeux Noël à quelqu'un. Cette personne-là y prend sûrement plaisir, et ce n'est pas parce que je ne suis pas toujours capable d'en avoir que je dois le lui gâcher.

Mais bon. Vivre l'instant présent. Et pour le moment, je vais aller m'étendre sur mon divan. Laisser Ignacio venir s'installer sur mon ventre. Puis je vais tenter de finir le livre que je lis en ce moment. L'intrigue n'aboutit pas. Comme quoi ce ne sont pas tous les Suédois qui puissent m'impressionner.





samedi 20 décembre 2008






J'aurai passé décembre à l'intérieur, dans une chambre de la Clinique Roy-Rousseau du Centre hospitalier Robert-Giffard. Les premières rafales de neige, je les ai à peine senties, j'ai à peine tremblé de voir que le monde redevenait blanc, encore une fois. Un mois irréel.

Je ne me rappelle plus si je tremblais le jour où on a décidé de m'amener là. Mais je sais que j'ai eu peur. Des couloirs laids, du silence puis des quelques phrases perçues ici et là, de toutes ces portes blanches aux poignées anciennes, de la femme qui m'a demandé d'enfiler le pyjama de la place, et de sortir de mon sac tout ce avec quoi j'étais susceptible de me faire mal. J'avais froid, sans doute, parce que tout ce qui m'entourait l'était.

Je me suis peut-être habituée à cet environnement aseptisé, je ne sais pas trop. Est-ce qu'on se fait à ça? Je l'ignore. Ce que je sais, c'est que j'ai peu à peu cessé de voir de l'austérité partout, d'être effrayée par les murs beiges, par l'homme à la démarche bourrue qui m'appelle Danika, par la femme aux cheveux courts, aux yeux sévères et qui sonne bête peu importe ce qu'elle dit, par les infirmières et les préposés, et que j'ai troqué ma résignation contre de l'acceptation.

Je me suis fait une amie. Elle me fait rire, et souvent nous allons nous entraîner en même temps. Elle a un garçon de douze ans qui lui donne pas mal de misère, et quand elle pleure je ne sais pas quoi faire. Moi je ne pleure pas, les médicaments m'assèchent on dirait. Je n'ai pleuré que lorsqu'on m'a dit que je devrais passer au moins trois semaines sur cette aile.

Je sens que ça aide, ce séjour. Je veux que ça m'aide. Je ne souhaite pas y retourner... Mon psychiatre m'explique très bien les choses, et il écoute, et il semble comprendre. Je le trouve drôle. Et son équipe est très bien. Je suis bien entourée, ç'aurait pu être bien pire... J'ai tout de même très hâte de franchir la grande porte de l'aile 200-est une bonne fois pour toutes.

Est-ce que ça va mieux? J'en sais rien. Ce n'est pas ma vie, ça. Là. Pour l'instant je me sens engourdie. Comme si je devais réapprendre à rire, à sourire. Je vais me taire et observer. Me dénicher mon mode d'emploi personnel. Celui qui fera mon affaire.