dimanche 1 juin 2014




À la fin de l'automne dernier, mon ergothérapeute d'alors tentait tant bien que mal de me trouver des activités qui me plairaient afin de me sortir de mon état comateux et de mes tendances de larve.  Elle m'a suggéré de me mettre au bénévolat.  L'idée ne me repoussait pas, mais étant libraire, ça ne me disait pas vraiment de subir encore les relations avec le public.  Elle a fait l'énumération de plusieurs organismes.  Rien ne m'attirait vraiment.  Puis elle a nommé la SPA et le refuge Adoption Chats Sans Abri.  Mes yeux se sont allumés d'un coup.  Et elle l'a tout de suite remarqué.  Je lui ai signifié mon intérêt pour le centre ACSA, que j'avais visité une fois et que je suivais depuis quelque temps sur leur page Facebook.  Je me suis dit que j'allais leur proposer mes services.  Je leur ai écrit et on m'a répondu qu'ils avaient toujours besoin de bénévoles...  Je suis donc allée remplir le formulaire et j'ai commencé la semaine suivante.

C'était un matin de début décembre, le 1er ou le 2, je ne me souviens plus.  D'un coup, en me levant, je n'avais plus envie d'y aller.  Je redoutais les rencontres avec les autres bénévoles, me disait que je serais nulle avec les chats et que tous me détesteraient, que je n'aurais pas le tour, que je n'apprendrais pas assez vite, que je ferais tout tout croche, que je n'aimerais pas ça finalement, que je ferais mieux de rester dans mon lit (il était si tôt!)...  Je me demandais vraiment pourquoi je m'efforçais à faire tout ça alors qu'il serait beaucoup plus facile de dormir.  Mais comme je m'étais engagée envers le centre à au moins essayer, j'y suis allée.  En marchant sur la 9e rue dans Limoilou, j'ai failli rebrousser chemin plusieurs fois.  J'aurais pu tout simplement ne pas me présenter, ne pas me manifester et ils n'auraient plus jamais entendu parler de moi.  Tout d'un coup, j'avais un but et je ne pouvais pas supporter la pression qu'il engendrait en moi.  Mais ce matin-là, je me suis montré la face et aujourd'hui, je suis très contente de l'avoir fait.

C'est Danielle, l'animalière du groupe, qui est venue m'ouvrir.  Elle m'a adressé un des sourires les plus chaleureux qu'on m'ait adressé de toute ma vie.  Sérieux.  Nous nous sommes présentées l'une à l'autre, puis elle m'a montré les chats et m'a fait rencontrer Mélia, la bénévole qui m'indiquerait quoi faire et comment le faire.  Dans le fond, le matin on ne fait que torcher des cages, s'amuser avec les chats, les nourrir, laver les doudous, faire la vaisselle, prendre une pause devant un café ou un lait au chocolat (que j'ai introduit au refuge, et je n'en suis pas peu fière!), on rit, on déconne, on flatte les mascottes, Séréna et Daniel, on passe la balayeuse et la moppe et J'AIME ÇA.  J'ai aimé ça dès le premier matin.  C'est le seul endroit où je me sens bien en tout temps, peu importe ce qui me tourmente avant d'y pénétrer ou après en être sortie.

J'y vais une ou deux fois par semaine, quand je ne suis pas trop malade ou que je n'ai pas trop mal à la tête ou que je ne suis pas prise dans une tempête au Nouveau-Brunswick.  J'ai eu des préférés dans le groupe.  D'abord Danielle, la dynamique qui me dit souvent que je travaille bien et qu'elle aime ça travailler avec moi et qui sait comment agir devant n'importe quelle situation.  Ça me donne le goût de continuer.  Elle me fait rire quand elle fait parler les chats et leur donne un air faussement fru en les faisant sacrer.  Et j'aime quand Joël me dit qu'il me fait confiance, lui qui est si professionnel.  Mais je me suis aussi attachée à tous nos petits pensionnaires, certains plus qu'à d'autres.  Surtout à Roméo, un persan noir.  C'est le premier chat à la coupe lion que j'ai trouvé cute.  Avant, j'exécrais cette coupe.  Maintenant, je trouve qu'elle va bien à plusieurs chats.  Roméo n'aime pas ses compatriotes, il a dès le départ eu de la difficulté à s'intégrer au groupe et s'est mis à en attaquer quelques-uns.  Danielle venait de terminer de rénover une pièce à l'arrière de la salle d'adoption et l'a installé là.  J'allais le voir presque tous les jours après avoir complété mes tâches, et souvent Danielle me «l'assignait» parce qu'elle savait que je l'aimais bien.  Je n'avais qu'à m'asseoir en indien par terre, taper sur mes genoux en disant son nom et il venait tout de suite me rejoindre pour des caresses.  Il avait beau haïr les autres chats, les humains, eux, il les adorait.  Je crois que j'aurais pu rester des heures à le flatter et il ne se serait pas tanné.  Il était assez joueur aussi à ses heures.  Je l'aurais adopté sur-le-champ si je n'avais pas déjà deux chats chez moi, avec lesquels je savais très bien qu'il ne se serait pas bien entendu.  Quand il a fini par être adopté, j'ai pleuré.  Pour vrai.  Je suis restée avec lui longtemps, j'ai pris des photos de nous deux et je lui ai dit au revoir.  Puis je me suis dit que je ne m'attacherais plus autant à aucun autre chat qui serait de passage à l'ACSA.

On en voit de toutes les sortes, au refuge.  Comme la petite sauvageonne, Souris-Mini, avec laquelle il fallait d'abord mettre des gants pour laver sa cage.  Maintenant, elle se laisse approcher et sort même parmi les autres chats.  Elle est toute petite et très mignonne.  La belle Aline, qui semble toujours nous regarder en disant «Ne me fais pas mal!».  Elle se laisse flatter sur le dessus de la tête, en ce qui me concerne.  Ralph, le porteur du VIH si doux.  Les deux plus farouches, Picotine et Agathe, qui se sauvent aussitôt que tu les regardes.  Grissom, le tannant trop gourmand.  Greg, l'imprévisible.  Pouchkine, l'Himalayen cardiaque aux si beaux yeux bleus (et j'adore les chats et les chiens à la face écrasée, oui).  Louise, la Louise, la fatigante qui miaulait jusqu'à ce qu'on la sorte de sa cage et qui après foutait la marde dans l'adoption.  Ma'am Reno, qui est malheureusement décédée des suites de son diabète avant d'avoir eu la chance d'être adoptée.  Et M. Poupouces, dont la troisième paupière était déchirée et qui ne pouvait ouvrir les yeux quand il est arrivé au centre.  Il a subi une opération et nous avons pu voir ses beaux yeux verts avant qu'il ne soit adopté.  Il roucoulait toujours quand on s'approchait de lui.  Et plein d'autres comme ça, qui sont tous arrivés avec une histoire et sont repartis en en débutant une autre.

Ces chats, ces gens et ce centre sont une de mes rares raisons de vivre, par les temps qui courent.  Merci.


Roméo et moi

3 commentaires:

  1. Et puis nous, bordel de merde !!! ...
    (Maman, Papa, Stéphanie, Sébastien, Marie-Ève, et ton nouveau neveu, Rémi ...)

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  2. J'ai bien écrit «UNE de mes rares raisons de vivre» et vous tous avez déjà été mentionnés dans l'un ou l'autre de mes textes. On se calme, merde.

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  3. Quel beau texte Sylvianne, sincèrement! Bien écris mais surtout très représentatif! Pour avoir connu ces fameux minous je confirme que je n'aurais su dire mieux pour les décrire! Et j'approuve qu'une adoption lorsqu'on est bénévole ça peut être difficile et ma mère peut aussi confirmer cela! Bref, bravo! :)

    Gabrielle

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