dimanche 27 mai 2007

Depuis quelque temps je songe à poster les courts textes que j'ai écrits dans le cadre de l'un ou l'autre des cours de création que j'ai suivis. Maintenant que Mel m'a dit que je devrais le faire, j'ose agir (Vois comme tu as de l'impact sur moi, chère Mel... :P)! Alors voilà, vous aurez droit à une rétrospective de mes écrits (chanceux que vous êtes!), voyez ça comme une preuve qu'il m'arrive d'être inspirée par autre chose que par mes niaiseries!

Aujourd'hui, je vous offre le tout premier texte que j'ai écrit «pour» mon bacc, en septembre 2005, et dont je ne me souviens plus du titre, mais je sais qu'il en a un, que j'ai gribouillé après avoir fait imprimer...


C’était comme si chaque pas était compté. Comme si tout mouvement portait une signification ou décelait une réalité crevante. Cette jeune fille ne pouvait se permettre d’arrêter. Toujours respirer. Suivre la musique. Ne plus penser.

Elle apparaissait tel un mirage, entourée d’ombres mouvantes. Surpassée par le jeu hallucinant des lumières criardes, elle dansait. Pressée contre des centaines de corps possédés, elle s’improvisait lourde. Une banderole de jeunes adultes séparait son monde mobile du monde immobile. La demoiselle fabriquait des gestes suaves, alimentée par son désir d’accrocher l’attention de n’importe lequel de ces individus.

Les notes n’ont pas tardé à s’enchaîner sous un tempo plus fou. Partout sur la piste, des membres se déployaient de manière saccadée. Elle devait donc garder le rythme. Rapides et précis, ses bras et ses jambes dictaient aux autres parties de son corps les ondulations requises. Docile, elle empruntait la direction que la musique lui indiquait.

Elle était certaine d’avoir déjà aperçu ce visage auparavant. Il lui faisait face, posté dans son univers statique à lui. La clarté de son teint tranchait avec l’atmosphère feutrée et sombre qui enveloppait la masse de spectateurs. Ce n’était pas la première fois que leurs yeux s’agrippaient. Il l’épiait alors qu’elle se déplaçait telle une poupée prise de convulsions. La cadence semblait venir d’elle, et non plus des gigantesques haut-parleurs disposés aux quatre coins de l’île dansante. Sous le regard parfois admiratif, parfois amusé de l’étrange voyeur, la dame vive était devenue l’initiatrice de toutes les étapes de cette ronde frénétique.


Quelques airs plus tard, elle sentait toujours les deux billes obscures du jeune homme sur sa peau. Il voyait les tissus de la danseuse coller à celle-ci tandis qu’une fièvre grimpait en elle, l’élevant au-dessus du troupeau d’acrobates. Elle s’est sentie suivie par ses deux yeux espiègles, complices même un peu sans doute, pendant que sa nouvelle légèreté l’entraînait sur la plate-forme. Elle donnait l’illusion de ne plus être liée à son corps. Elle n’offrait désormais aucun contrôle sur les mouvements exécutés par son système organique.

La démence paraissait s’être emparé de ce que la raison avait quitté un instant plus tôt. Les os de la femme menaçaient de se briser à force de tant d’agitation. Seul l’observateur voyait trembler l’estrade sur laquelle elle se démenait, les autres danseurs étant plutôt captivés par la succession imprévue, quoique calculée, des éléments de cette chorégraphie endiablée. Le cirque bouillonnant auquel ils appartenaient poursuivait sa course démesurée sous les projecteurs couleur de feu. Le regard de l’homme ne quittait plus la reine de ce bal infernal, hypnotisé par le reflux de sa silhouette.

L’arrêt brusque de la musique tonitruante les a tous deux tirés de leur torpeur. Un bourdonnement sourd a éclaté dans leurs oreilles. Leurs yeux ont fléchi sous le violent éclairage blanc redevenu constant. Du bout de ses doigts encore fébriles, elle s’est pincée pour tenter de rétablir une certaine stabilité dans son corps. De ses mains moites, il a rattrapé de justesse le verre qu’il tenait depuis le début du manège fougueux. Ils ont alors entendu la voix du technicien s’exclamer:

- Tout est parfait! Tout est prêt pour l’ouverture dans dix minutes.


Haletante, la serveuse s’est dirigée vers le bar en dissimulant tant bien que mal sa gêne de s’être laissée emportée encore une fois. Tout aussi mal à l’aise, son collègue de travail s’est remis à frotter d’autres verres, ses yeux foncés plantés sur le comptoir pour éviter ceux du responsable du son et des lumières. Ce dernier examinait les deux êtres à l’allure de gamins pris sur le fait, sourire en coin.

1 commentaire:

  1. Je sais pas si c'était intentionnel ou bien un beau hasard, mais quand je t'ai demandé si je pouvais lire les textes que tu avais écris pour ton cours, c'est le premier que tu m'a envoyé... Je l'ai toujours bien aimé! Bon choix :)

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