mardi 29 mai 2007

Il y a quelqu'un qui se reconnaîtra peut-être dans ces lignes qui dévient d'une époque passée près de cette personne. Tant mieux, ce texte a été écrit en pensant à toi, quelque part en octobre 2005 ;) J'espère que tu ne m'en voudras pas de m'en être inspirée. Et, oui, je sais: il est rose ce divan, en vrai...


Blanc, gris, beige

Des escaliers repliés sur eux-mêmes, menant à une porte blanche. Derrière elle, tout y était blanc, ou presque. Je n’aimais pas le blanc. Mais celui-là, recouvert de nuit, je l’ai adoré du premier coup. Ces parois immaculées m’ont vue agir, soupirer, rougir. Ce logis est devenu en peu de temps un véritable réservoir de moments immortels, d’instants échappés, de rires éclatés et de regards encombrés.


Il était tout juste adulte. Je n’étais encore qu’une jeune fille. D’avoir abusé de mon brin de naïveté et de mon soupçon d’innocence, je ne lui en suis que trop reconnaissante. Son domaine, je ne l’ai connu que dans la pénombre. Je le quittais avant l’aube, laissant des traces de plus à son entrée déjà poussiéreuse et barbouillée des pas de l’hiver qui vivait dehors. C’était après m’être extirpée du moelleux sofa. C’était après un film. Après des notes grattées de son instrument vert. Après mes croquis de questions et ses ébauches de réponses. Après m’être arrachée à toute cette chaleur et à ces parfums ni trop épicés, ni trop salés, ni trop sucrés. Un amalgame de juste assez.

Ce divan, gris ou beige, je n’ai jamais pu trancher, accueillait tout de nous. Mou et docile, il acceptait de glisser d’un angle à l’autre de la pièce centrale de cet havre pour satisfaire les critères de notre prochaine occupation. Plus souvent qu’autrement, le meuble au tressage subtil rebondissait face à l’écran situé à la gauche des lieux. Cet écran ne servait que d’arrière-plan ou de légère distraction à nos échanges. Je les ai longtemps fixées sans les voir, ces images que l’engin télévisé me crachait, en attente de la première caresse ou de la taquinerie initiatrice de la soirée.

Tout m’a plu de cet homme, de cet être, de cette autre partie de moi. Il m’a appris à aimer les blancs nocturnes, m’a fait apprécier sa musique, m’a montré à embrasser comme ça. Il m’a prouvé que nous étions pareils, m’a montré que nous étions faits l’un pour l’autre, mais m’a avertie que nous ne nous appartiendrions pas.

Il m’a présenté le premier oreiller, a initié toutes les batailles. Prétexte pour se toucher. Excuse pour se défouler. Calmé, il me regardait de ses doux yeux sombres, appuyait sa tête contre mes cuisses. Moi, je lui caressais les cheveux. J’anticipais, j’espérais, je rêvais. À chaque regard, nos pupilles étincelaient un peu plus. Au rythme des chansons qui filaient. Au fur et à mesure que le film achevait. Et puis il m’embrassait.

Le parfait sofa, lui, subissait mes coups de coussins ratés et supportait sans grincer nos deux corps lourds enlacés après l’engouement. Habillé de l’obscurité, de deux âmes venues du même vent, d’une dodue couverture blanche et de quelques vêtements échoués sur ses membres, il semblait partager notre confort. On aurait juré qu’il souriait lui aussi, rassasié de tendresses.


L’hiver a passé. Il en a aimé une autre qui a rencontré ses murs blancs et son divan clément. J’ai visité d’autres sofas et connu leurs propriétaires. J’ai joué ailleurs mais me suis toujours rappelé de cet endroit tout blanc et de ce meuble à l’odeur, à la texture et à l’homme que j’aimais tant.

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