dimanche 25 janvier 2015





J'ai mis mon CV à jour.  Pour la première fois depuis 2007.  Drôle d'exercice, tout de même.  Ça prouve ma fidélité envers ma job de libraire, mais je constate aussi que je n'ai pas foutu grand-chose d'autre durant ces années.  Professionnellement.  Ou pour l'accomplissement, ce sentiment dont tout le monde semble se préoccuper et souhaite atteindre sauf moi.  Du moins pas à travers les mêmes sphères.  Peut-être aussi que je me fais croire que je n'en ai pas besoin.

Non, tout ce temps-là, j'ai couru après ou fui des hommes.  J'ai adopté des chats.  J'ai été malade, ma tête n'a pas fonctionné pendant longtemps.  Je suis déménagée trois fois.  Je n'ai rien compris à plusieurs choses, me suis questionnée à propos de certaines, demeurée indifférente à d'autres.  Je me suis imaginé que j'avais raison, je me suis imaginé que j'avais tort.  Je n'ai pas cru en moi, je me suis mutilée.  J'ai ri.  J'ai été soucieuse puis irresponsable.  J'ai blessé des gens.  Je n'ai pas su comment agir, parfois.  J'ai marqué des points, en ai perdu.  Je me suis empiffrée de poutines.  J'ai changé d'avis, j'ai été têtue.  J'ai marché, mais je n'ai pas assez voyagé.  Je me suis saoulée, j'ai regretté à quelques reprises.  J'ai lu, j'ai cessé de croire en mon manuscrit.  En la pertinence de sa publication.  J'ai eu mal.  Très mal.  J'ai été bien.  Même plus que bien.  J'ai touché, j'ai vu, j'ai senti, j'ai entendu, j'ai goûté.  J'ai voulu trop et pas assez.  Je n'ai pas fait ce qu'il fallait.  Bravé des interdits.  J'en ai souvent été fière.  J'ai été impressionnée, blasée aussi.  Pessimiste, des fois optimiste.  Souvent, j'ai pleuré et je n'ai pas été gentille.  Je n'ai pas utilisé mon plein potentiel, j'ai gaspillé.  Il y a eu un bout où j'étais dépendante de la présence d'autres, puis un bout où je me suis isolée.  J'ai été petite, j'ai été grande, j'ai été importante et j'ai été insignifiante.  J'ai été moi-même, je me suis écartée, je suis revenue.

Mais tout ça, ça ne s'écrit pas dans un CV.  Et pourtant, tout ça m'a formée, me forme encore.  J'aurais pu faire sans.  Je n'aurais jamais su ce que j'avais manqué ou subi.  On n'a pas besoin de certaines expériences.  Elles nous construisent, mais une différente peut nous forger aussi.  Certaines ne devraient pas être vécues.  Rien n'arrive pour rien?  C'est la plus mauvaise blague qui soit, selon moi.  La pire insulte.  Je ne peux pas et je ne vois pas comment je pourrais être reconnaissante envers mes dépressions.  Ou en voir l'utilité ou les avantages.  Être contente que ça m'amène à ci ou à ça.  Je ne dis pas que la vie devrait être belle et douce, parce que la vie n'est pas toujours belle ni douce et encore moins juste.  Mais elle pourrait l'être un peu plus.  Et ne me startez pas avec les arguments du genre «il faut s'aider soi-même», «il faut y mettre du sien», «ça n'arrive pas tout seul» ou «il faut faire des efforts».  Oui.  Reste qu'il y en a qui font tout mais n'ont rien. 






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire